L’enseignante inconnue

 

Il y a quelques temps, rangeant ma bibliothèque, les journaux jaunis des "Stories" de Frédérique me tombèrent littéralement « sur la tête ». En les relisant,  je ressentis l’enthousiasme, l’espoir, la liesse d’une période riche d’idées et de belles perspectives d'avenir, celles du temps où l’on pouvait enseigner vraiment les mathématiques, et les faire aimer.

Je revis la route que Frédérique avait tracée lorsque je l'ai connue et que j’avais abandonnée. Au moment où j'ai remis la main sur ses "Stories", j’étais devenue formatrice d’enseignants et j'ai retrouvé le chemin plus clair que jamais.

 

Certes il me suffira de reprendre le chemin que d’autres auront tracé entre-temps, pensais-je. Mais je n'ai trouvé aucun fil pour tisser un lien entre le présent et le passé.

 

Dans les filets qui pêchent dans les abîmes sans fond d’Internet  je ne récoltais aucune "Story", aucune de ses histoires mathématiques. Le nom "Frédérique" renvoyait  à des bibliothèques de livres jamais plus rééditées, sauf un, celui relatant son travail avec des enfants autistes.

Parmi les enseignantes plus jeunes, certaines se rappelaient du nom de Frédérique. Mais ses histoires ? … Quelles histoires ?...

La mémoire n’est pas une archive mais une semence: j’ai pensé qu’il était de mon devoir de diffuser les histoires de Frédérique parmi les personnes qui ne les connaissaient pas, et de les reproposer aux collègues qui les avaient oubliées. 

 

L’enthousiasme et l’espoir se rallument dans les yeux et dans le travail des instituteurs qui rencontrent les histoires de Frédérique. Les plus jeunes posent des questions, “qui est cette enseignante inconnue?”. Ils réclament des livres, des adresses sur le Web, pour leurs recherches, leurs études, leur mises a jour. Il y a si peu pour rassasier leur soif de connaissances. Ils me reprochent de faire trop peu pour diffuser « ce matériel, ces idées nouvelles ».

 

Tous les ans, le nombre des participants au Laboratoire des histoires mathématiques augmente : elle est si moderne cette « enseignante étrangère» ! 

 

Frédérique est vivante et présente dans toutes les écoles où les enfants découvrent les mathématiques avec joie en compagnie de leurs enseignants. Ils ont beaucoup de considération pour l’ « enseignante inconnue » qui a jeté la semence féconde dans leur travail. 

 

 

Beatrice Donzelli