Marraine,

 

Il paraît que le son de ta voix s'effacera de ma mémoire avec le temps. Soit.

Mais rien ne pourra effacer le contenu de tes paroles. Tes conseils, tes idées, tes questions.

 

Tu as été une vraie marraine. Toujours présente mais discrète. Toujours soucieuse de mon bien-être, tant matériel que spirituel. Toujours disponible.

Bien sûr, le trajet jusque Bruxelles me barbait quelquefois… mais j'en revenais l'esprit plus riche. Il me fallait souvent toute la soirée pour réfléchir à nos discussions, parfois animées, autour d'une tasse de thé.

 

Me reviennent en mémoire les séjours à Duinbergen et l'odeur de l'appartement, les visites d'expo et de musées, les promenades par tous temps, les restos avec Papillon (et les inévitables remarques sur ce qu'il mangeait et buvait en trop… profitant de notre présence), l'ambiance apaisante de ton bureau au Mettewie, tes lettres régulières. Et encore bien autre chose.

 

Aujourd'hui, je réalise que je ne te verrai plus.Que je ne t'entendrai plus. Et je me sens bizarre, comme s'il me manquait un mur sur lequel m'appuyer.

 

L'annonce de ta mort m'a pourtant soulagée. Enfin, tu ne souffres plus.

Shakespeare exprime cela beaucoup mieux que moi dans "Othello" :

"La niaiserie est de vivre quand la vie est un tourment. Nous avons pour prescription de mourir quand la mort est notre médecin."

 

J'ai trouvé un autre texte qui reflète l'enseignement que je tire de ta triste fin. Il est d'Euripide :

"Tous les humains sont voués à la mort et,  parmi ces mortels, il n'en est pas un seul qui sache au juste s'il vivra demain.

L'issue de notre destinée, mystère… rien ne peut nous l'enseigner; il n'est aucune science pour la surprendre.

Donc, instruit de ces vérités et bien endoctriné par moi, donne-toi du bon temps, bois, et dis-toi bien que seule l'heure présente est à toi; la suite appartient au hasard."

 

 

Au revoir, Marraine.

 

Frédérique Noël